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La gestion des risques, un métier à venir

07 décembre 2018 Les cahiers d'XMP-Consult
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Introduction

L’ingénieur Voisin, ingénieur aéronautique, qui réalisa par la suite de merveilleuses voitures, disait à ses ingénieurs : « MAIS, METTEZ-VOUS A LA PLACE DU BOULON ! ? ».

Les mathématiques servent à cela. Encore faut-il concevoir le rapport affectif, réel, entre l’objet mathématique et l’objet représenté.

Pour illustrer ce propos, je peux aussi vous rapporter que, selon les physiciens contemporains, la vision que Einstein avait du temps est considérée comme fausse, mais pas son équation. Ne me demandez pas ce qu’est la vision du temps selon Einstein ni selon celle des maîtres de la physique actuelle. Qu’importe, cela tend à nous montrer que l’ingénieur Voisin pouvait « affectiver efficiemment » son travail ; quant aux mathématiques d’Einstein, elles continuent à irriguer le monde mathématique mais ce n’est pas lui qui les a fait sortir de leur cadre.

Il est clair que je n’ai pas la prétention de me comparer à ces deux noms.

Et l’œuf de Colomb m’amuserait beaucoup plus.

Une coquille fermée cachant une valve, qui, coquille cassée, dispense au contenu de se répandre sur la table, tout en offrant une assise à l’objet.

Mais voilà, une société multinationale ramenée au dit œuf nous conduit à la représentation d’un objet gravement multiforme voire polymorphe.

Mon job à moi consiste à trouver :

1°) la membrane,

2°) le point d’équilibre.

Le domaine du traitement de l’information et de l’optimisation de la gestion des risques peut être présenté de manière similaire.

Il faut d’abord identifier l’information, puis la traiter.

Une fois cela fait, l’évidence du résultat obtenu fait disparaître le travail conceptuel réalisé.

Pour ce propos, Pasteur nous fournit l’exemple idoine.

A partir du moment où ses cornues scellées contenant un gel nourricier sont demeurées et demeurent intactes, c’est le discours même de la génération spontanée qui a disparu de la société. Il ne restait plus que de bons ou de mauvais cuisiniers qui laissaient surir le ragoût.

Le travail abouti s’intègre à la base historique des informations et va naturellement servir de référence pour l’évolution ; il sera alors une évidence acquise.

La science actuarielle est créée vers la deuxième moitié du XIXème siècle. C’est une pratique de formation ou d’apprentissage entre les domaines du traitement de l’information et celui de l’optimisation de la gestion des risques.

La notion de risque n’est pas toujours ce que l’on croit

Depuis la crise financière des années 2008/2009, le concept de risque et essentiellement la notion de gestion des risques a pris de l’ampleur. Cependant, le risque est une notion ancienne dont la perception change. Au XVIII siècle, l’empiriste Etienne Bonnot de Condillac définit la notion comme « la chance d’obtenir un mauvais résultat, couplé à l’espoir, si nous y échappons, d’obtenir un bon résultat ». Les notions de risque et d’incertitude sont liées et pourtant différentes.

Si nous supposons que la différence entre un risque et un alea pur est le fait que : le risque peut être mesuré alors que l’aléa n’est pas mesurable ; déjà, cette définition va, elle-même, dépendre de notre connaissance à un moment donné.

Par exemple dès lors que les institutions financières se sont accordées sur une mesure, la value at risk (VaR), vers 1990-1993, la notion de « risque de marché » se répand ouvrant l’accès à de nouveaux standards d’échange puis de nouveaux systèmes. Ainsi, la value at risk (VaR) pourtant conçue dans les années 1980 par les actuaires en assurance, sera utilisée par les banques et beaucoup moins par les assureurs.

Un autre exemple est celui de l’application de la théorie des valeurs extrêmes et de la théorie de Henri Markowitz.

Dans les années 1990 à 1996, le marché mondial de la réassurance des risques majeurs était en pleine déconfiture. Le marché de la réassurance de Londres manquait de capacité financière. Les compagnies d’assurance « nationwide » américaines déposaient le bilan. Les populations américaines n’étaient plus indemnisées par les assureurs lors de survenance de catastrophes naturelles. C’est à cette période que se renforce l’intérêt pour les valeurs extrêmes dans le monde des assureurs.

Mon travail à ce moment a consisté à proposer des indices de « prix de marché » de la réassurance pour couvrir les dommages de catastrophes naturelles aux Etats-Unis, puis après analyse de l’existant, à proposer des solutions adaptées aux acteurs. La proposition à l’époque novatrice d’utiliser un indice météorologique pour structurer la couverture au niveau local, régional, puis mondial apparaît aujourd’hui évidente.

Ainsi, la gestion quantitative des risques est composée d’une série d’outils résultant de l’avancée des notions mathématiques appliquées aux risques et des possibilités techniques liées aux ordinateurs. Un exemple pour illustrer mon propos est celui des techniques d’optimisations appliquées à la diversification des risques dont une des limites connues est la dépendance des risques entre eux. La gestion quantitative des risques tend, entre autres, à mesurer le bénéfice qu’elle apporte : financier et au-delà.

De la gestion qualitative à la gestion quantitative des risques

Jusqu’à présent, je n’ai pas évoqué la gestion qualitative des risques ; alors qu’il s’agit véritablement du socle de mon métier. Elle se divise en deux parties :

- La partie descriptive fait la taxinomie des risques auxquels l’activité est exposée,

- La partie méthodologique développe le corpus de procédures permettant d’y faire face.

Le moyen de rendre la gestion qualitative efficiente est, au-delà de la description, d’en clarifier l’importance par l’entremise de la gestion quantitative. Tout comme Voisin ou Pasteur faisaient leurs démonstrations à partir des données empiriques qui leur étaient présentées.

La gestion quantitative des risques, elle, exploite les informations pour expliquer certaines conséquences de scénarios futurs. Elle se repose aussi sur l’acquis historique pour en projeter d’autres.

Une façon d’éclairer le choix ou le comportement futur, consiste à capitaliser l’information et les possibilités acquises par l’intermédiaire de la gestion qualitative. Pensez donc à l’image rappelée plus haut sur le moment social et les travaux de Pasteur.

Gérer les risques ne consiste pas à les éliminer

Certaines thèses expliquent par constat empirique que lorsque la croissance économique et technologique sont perçues comme rapides, le besoin de la société de prise en charge et de couverture est plus grand.

D’autres expliquent aussi que l’interconnexion amène des risques à des niveaux jamais atteints.

Quelle que soit la théorie ou la situation, gérer les risques ne consiste pas à les éliminer.

Le rôle du risk manager dans les institutions financières consiste à optimiser le retour sur investissement des fonds propres de son entreprise. Au niveau international, dans l’industrie, le rôle du chief risk officer (CRO) consiste à permettre à l’entreprise d’explorer de nouveaux chemins pour se développer en veillant à la solvabilité du business acquis et à l’adéquation de l’intégration de ces nouvelles voies.

Et notamment, deux dimensions compliquent le travail du CRO : la dimension temporelle et l’interdépendance.

L’approche quantitative bien utilisée seule suffit-elle ? La crise financière, tout comme les évènements tels que Fukushima, ont rappelé que les modèles même quantitatifs sont des outils de synthèse devant être interprétés.

La gestion des risques repose sur la gestion quantitative des risques tout autant que sur la gestion qualitative des risques. Cette alliance devrait permettre au CRO de rendre l’activité plus efficiente.

Isabelle Praud-Lion
<isabelle.praud-lion@wanadoo.fr>

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