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Écouter, comprendre, aider, apprendre

07 décembre 2018 Les cahiers d'XMP-Consult
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Dans le texte qui suit, si je parle d’une mission identifiée, qui s’est réellement déroulée, j’explique plus généralement la manière dont je travaille et dont je réfléchis mon métier. J’y livre par ailleurs certaines de mes convictions et valeurs dans le domaine professionnel, combinées avec certains aspects de ma personnalité, toutes choses qui font le professionnel que je suis aujourd’hui.

Comment s’est passé le travail commercial amont

Je sais que je ferai mes preuves par mes actions, dans l’action. Avant, dans la phase de contact, discussion, proposition, il s’agit surtout d’être soi, d’écouter pour comprendre, pour se mettre au rythme de son interlocuteur. Il y a un moment où mon interlocuteur, qui deviendra peut-être mon client, me fait rentrer dans son histoire. Là, l’échange démarre : il me donne parce qu’il sait que je lui donnerai ; que je saurai avoir un autre regard. Parce que je l’aide à réfléchir, en appui sur mes convictions et sur mes doutes, mon expérience et ma curiosité. En parallèle, il s’agit pour moi de décider rapidement si je sais ou saurai faire, à partir de quand j’ai suffisamment d’information pour faire une proposition adaptée, et quel type de proposition je pourrai faire.

Comment arriver à cette première phase de contact ? Je n’ai pas de méthode bien définie, rien de systématique en tout cas. Je crois à la chance… Mais à celle qui se provoque, bien sûr. Une compétence qui se travaille, comme l’explique si bien Philippe Gabilliet[1], en faisant les bonnes rencontres, en allant sur les bons territoires et en étant à l’écoute des bonnes demandes. Quand l’opportunité se présente, je l’attrape et je vérifie très rapidement que c’en est effectivement une. Il faut alors réagir très rapidement et aller au contact. J’aime également l’image du jardinier qui sème des graines et tente avec humilité de les faire pousser comme il peut. Mais les fleurs sauvages peuvent aussi être très belles !

C’est comme cela que, par le réseau, j’ai rencontré récemment quelqu’un avec lequel j’avais une vraie proximité intellectuelle : le pragmatisme, le bon dosage de réflexion avant l’action, de la bienveillance, de l’exigence pour les autres et pour lui-même, une bonne dose d’humilité, une communication claire et explicite. Pour être honnête, j’ai compris cette proximité bien après avoir commencé à travailler avec lui, et donc pourquoi le deal s’était fait assez facilement. Il faut savoir apprécier ces rencontres-là et ne pas les gâcher.

La demande

La demande était assez simple, au moins dans son énoncé : une ETI française, filiale d’un groupe allemand, a décidé de lancer une douzaine de projets, en lien avec son plan stratégique à moyen terme. Or, d’après le DG, mon interlocuteur, les personnes désignées pour les piloter n’avaient pas de culture projet (comme l’entreprise, d’ailleurs) et ne savaient pas, ou pas suffisamment bien, gérer des projets. La demande initiale était donc de former ces personnes à la gestion de projet et de les accompagner pour la prise en main initiale de leur nouvelle mission. Il s’agissait également, en filigrane, de développer une culture projet dans l’entreprise.

Cette demande m’a plu pour plusieurs raisons : c’était nouveau pour moi, dans la mesure où je n’avais jamais réalisé une mission similaire, et c’était dans un secteur d’activité que je ne connaissais pas ; j’allais devoir mettre à plat mes propres pratiques en matière de gestion de projet pour construire une méthodologie adaptée aux besoins de cette ETI et de ses chefs de projet ; je me sentais dans un environnement favorable (personnalité du DG, taille et situation de l’entreprise, besoins concrets et authentiques). Et cette mission apportait un volume d’activité supplémentaire bienvenu.

Mon offre et mon profil ont visiblement plu, puisque j’ai été préféré au cabinet réputé qui avait réalisé l’étude stratégique en amont.

Comment j’ai travaillé

J’ai donc construit une méthodologie issue d’un référentiel réputé (PMI). Méthodologie adaptée aux besoins de mon client (pilotage de projets internes, d’envergure modeste), complétée par ma propre expérience personnelle de projets de transformation d’entreprise, d’appels d’offres internationaux de toutes tailles, etc. Et enrichie d’un volet dédié au management transversal, sujet insuffisamment traité dans les référentiels réputés, mais essentiel pour aider les chefs de projet à faire évoluer leurs pratiques.

Puis préparation concrète des séances de travail : 9 participants pendant 1,5 jours de formation « théorique » puis 2,5 jours de travaux pratiques. La difficulté a été de tenir dans le temps imparti, très court au moins pour la partie théorique. La préparation du déroulé, extrêmement cadré, a donc été essentielle.

Dans la gestion de projet, la part de préparation et mise en forme est très importante, surtout pour la phase de planification au démarrage, pendant laquelle on ne réalise pas mais on réfléchit, on anticipe, on organise, on prépare ses outils de pilotage : dans le cas de projets « modestes », il faut trouver le bon niveau de préparation pour arriver assez vite dans la réalisation, surtout quand les chefs de projet sont très occupés par leur cœur de missions et ne disposent pas de beaucoup de temps pour leur projet. En cela, la gestion de projet ressemble beaucoup à la gestion de la qualité : même principe consistant à écrire ce que l’on va faire, mêmes mesures des écarts avec ce qui était prévu, mêmes biais, mêmes risques de rejet, et donc même nécessité de démontrer ce qu’une telle démarche apporte concrètement, au quotidien.

Finalement, la formation s’est bien passée et a été appréciée, malgré une partie théorique un peu dense, qui a pu manquer de concret. Heureusement, les exercices pratiques l’ont bien complétée. Et l’objectif a été atteint : les chefs de projet ont touché du doigt les éléments essentiels, ont compris le cœur du message. Et ils ont pris en main les premiers outils, charge à eux de les compléter et de les adapter. Et ces 8 demi-journées m’ont permis de bien prendre mes marques dans l’entreprise, auprès de salariés en général volontaires et motivés.

Puis, je suis intervenu auprès du Comité de Direction (CoDir) : il avait été envisagé au tout début d’en former les membres à la gestion de projet ; mais cette partie m’a pas été retenue et je reste persuadé que cela a été une erreur. J’ai donc exposé les grands principes de la gestion de projet, avec les principaux messages que j’avais passés aux chefs de projet. J’en ai profité pour leur livrer quelques ressentis personnels sur le groupe, les projets de l’entreprise, etc. Là, j’avais rebasculé dans un rôle de conseil, parce que je savais qu’ils attendaient cela également.

Comment cette mission s’est élargie

Un mois plus tard environ, le DG m’a demandé de compléter ma mission, pour devenir l’animateur, le pilote du portefeuille de projets : accompagner les chefs de projet, « battre la mesure » et donner régulièrement une vision globale au CoDir sur le portefeuille de projets. Sur certains aspects la demande n’était pas très précise ; mais j’ai visiblement réussi à donner à ma proposition le bon « esprit », une certaine simplicité, du bon sens, puisqu’elle lui a convenu. Nous avons tout de suite trouvé une formule contractuelle qui me convenait, à savoir une facturation « au compteur ». Une telle formule permet de ne rien figer, de faire évoluer la prestation en fonction des besoins. Cela crée les conditions d’un travail en profondeur, avec une certaine liberté de manœuvre au sein de l’entreprise, pour rencontrer les gens, comprendre comme elle fonctionne, et donc in fine apporter de la valeur à l’entreprise. Mais elle demande au consultant un suivi rigoureux du temps passé, une honnêteté absolue dans la manière de le décompter, en sachant ne compter que le temps efficace, dans la manière d’utiliser la liberté de manœuvre accordée, et une transparence totale qui paye de toute façon sur le long terme. Elle demande une vraie confiance entre les parties. Cette mission n’a donc pas de fin explicite. Elle s’arrêtera quand il faudra. Quand nous considèrerons que ma valeur ajoutée diminue, quand je commencerai à tourner en rond, et à rentrer dans une routine ennuyeuse.

Dans quel état d’esprit je travaille

Je suis donc à l’écoute des chefs de projet auquel j’ai appris les principes de la gestion de projet et que j’accompagne pour les mettre concrètement en œuvre. Je dois trouver l’équilibre entre l’écoute, l’empathie et les recommandations, quelques fois insistantes, pour leur faire prendre la bonne posture ou les inciter à se plier à telle partie de la méthodologie quand je le juge indispensable. La matière sur laquelle je travaille, c’est ce que le chef de projet ne comprend pas, ce sont les difficultés qu’il rencontre pour attraper tel ou tel aspect de son projet, que ce soit au niveau de la méthodologie ou sur le fond, voire dans ses relations avec ses interlocuteurs (sponsor, contributeurs, etc.). Je me sers de mon expérience pour lui donner des éclairages complémentaires, pour lui faire voir ce qu’il ne voit pas. Je me sers de ma capacité à appréhender rapidement des situations complexes pour lui proposer des clefs de lecture, des méthodes d’analyse, de compréhension, de travail, etc. Ce qu’il me dit, ce que j’entends, constituent également de la matière pour éclairer et conseiller le DG ou son CoDir.

A l’inverse et de manière complémentaire, je suis à l’écoute du CoDir et je l’accompagne vers les bonnes pratiques de la gestion de projet et la bonne compréhension du rôle de sponsor (la plupart des membres du CoDir sont le sponsor d’un ou plusieurs projets). Je trie et choisis, parmi les messages que j’entends, ceux je transmettrai aux chefs de projet, avec les bonnes explications, pour les faire progresser. Je suis un facilitateur, un catalyseur.

Je me pose tous les jours la question de ce que j’apporte à mon client et à mes interlocuteurs. Je suis à l’affut de leurs réactions : c’est de la matière pour ma mission, pour le coup d’après. Je surveille les signaux faibles, de manière à comprendre le positionnement des uns et des autres vis-à-vis de ma mission et de ce que je délivre. Ainsi, un nouveau membre a récemment fait son entrée au CoDir. Son comportement me perturbe un peu en ce moment : certes, nouvel embauché, il fait connaissance avec l’entreprise, avec son territoire, avec ses collaborateurs. Certes, sa mission n’est pas simple. Est-ce juste son caractère ? Mais je sens quelque chose qui pourrait m’être défavorable, une menace. J’apprends à le connaître, je pèse chaque mot que je prononce, j’analyse en permanence sa relation avec le DG et plus généralement les mouvements au sein du CoDir. Une seule posture : l’aider et m’en faire un allié. Et renforcer mes liens avec les autres membres du CoDir. Comme pour faire un bon chef de projet, il faut être un peu paranoïaque pour faire un bon consultant.

Enfin, j’apprends mon métier chez mes clients, tous les jours. Depuis bientôt 8 ans. J’apprends également de mes pairs, consultants comme moi que je rencontre le plus souvent possible. Ne jamais rester seul. La solitude du dirigeant est connue, celle du consultant peut-être moins, mais elle est aussi dangereuse.

D’où le rôle essentiel que doit jouer une association comme XMP Consult vis-à-vis de ses membres, en créant les conditions pour qu’ils se rencontrent, échangent, parlent de leur(s) métier(s), de leurs expériences, de leurs doutes.

Et demain ?

Il y a un mois, le DG m’a demandé de lui faire une proposition pour travailler sur les méthodes de travail (au sens large du terme) dans l’entreprise. C’est bon signe. Et c’est intéressant : c’est pour le coup typiquement ce que j’ai déjà fait ailleurs et cela me permettra de comprendre encore mieux le fonctionnement de cette entreprise. Mais attention à l’usine à gaz ! Vais-je faire la bonne proposition, au niveau de ce qu’attend le DG ?

 

Christophe Debelmas
<debelmas@cedetis.fr>

 

[1] Entre autres choses, Professeur de Psychologie et de Management à ESCP Europe (Paris)


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