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« Deux personnes se serrent la main », image générée par DALL-E le 12/02/2023
Crédit: « Deux personnes se serrent la main », image générée par DALL-E le 12/02/2023
« Deux personnes se serrent la main », image générée par DALL-E le 12/02/2023
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La RSE, un cadre pour engager les salariés dans l’IA

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La RSE propose un cadre éthique exigeant. L’embrasser est le meilleur gage que les dirigeants peuvent donner aux collaborateurs que l’IA sera utilisée au bénéfice de tous, eux-mêmes y compris. Et, partant de là, elle permet de les engager plus sereinement dans l’adoption de l’IA au travail.

 

Des dirigeants par nature positifs 

Les dirigeants d’entreprise ont une vision positive de l’avenir. C’est même leur première caractéristique ! Dans une logique de marché, l’IA offre un avantage concurrentiel aux premiers qui sauront la mettre à leur service. Elle permet de recentrer les équipes sur le relationnel, la stratégie et la créativité, pour créer de nouveaux produits et services ou encore optimiser au mieux des ressources se raréfiant.

Vue de façon globale et positive, selon une étude de Microsoft et PwC, l’IA pourrait d’ici 2030 être utilisée au service de l’homme et de l’environnement au travers une croissance du PIB mondial de 4,4%, une hausse de l’emploi de 1% et une réduction des émissions de GES de 4%.  

Les dirigeants sont bien conscients des remises en question que cela nécessite, tout en voyant résolument le verre à moitié plein.

 

Des collaborateurs plus inquiets

Les salariés semblent voir le verre dans une perspective différente. Ils constatent bien l’intérêt de l’IA, puisque, selon les Echos, un quart des Français sondés déclarent que celle-ci leur libérera du temps à consacrer à d’autres activités. Une étude d’OpenAI et de l’université de Pennsylvanie, même s’il s’agit des emplois outre-Atlantique, confirme l’impact de l’IA en prédisant que 19% des salariés seront affectés pour plus de la moitié de leurs tâches et 80 % d’entre eux pour 10 % de celles-ci.

Mais cette étude ne traite pas de ce « temps à consacrer à d’autres activités ». Aussi, face à l’inconnu de « à qui profitera le progrès », on peut comprendre qu’une étude de Deloitte livrait dès 2018 que la réaction des salariés face à l’IA était, dans l’ordre : « la curiosité, l’inquiétude et l’espoir ».

 

L’optimisation, plus facile que l’innovation ? 

Une observation commune vient biaiser toute lecture sereine du sujet : l’optimisation de l’existant est généralement plus facile que l’innovation. L’automatisation des tâches permet une optimisation de coût plus rapide que la création de valeur additionnelle. Cette dernière nécessite une réflexion prospective, puis un apprentissage collectif long et chaotique. Là où quelques « experts » peuvent plus facilement optimiser un système existant.

Dans un contexte de recherche de compétitivité, les salariés perçoivent donc d’abord l’impact sur leur emploi. Ce biais conservateur est naturel (Kahneman et Tversky, prix Nobel d’économie) et est donc valable dans les entreprises dont les dirigeants ont, par le passé, arbitré en faveur du long terme, car étant patrons chez eux ou dépendants d’actionnaires stables. Que dire des autres contextes d’actionnariats ? Et de l’observation au cours de la dernière décennie de la mise en place de la RPO (Robotic Process Automation), avec les premières IA d’alors, ayant pour but légitime de réduire les coûts et amenant inéluctablement des réductions d’emploi ?

 

La RSE pour aborder l’IA plus sereinement

Dans ce contexte, comment la RSE permet-elle de remettre de la sérénité dans la façon d’aborder l’IA avec les équipes ? Ce qui suit décrit une approche globale de la création et du partage de la valeur, propre à la RSE, et s’éloigne donc d’une lecture des seuls avantages concurrentiels.

 

Des dirigeants précurseurs de la RSE

Un nombre croissant de dirigeants considère que la recherche du profit à court terme est une cause majeure de dégradation sociale et environnementale. Théorisée par Porter et Kramer en 2011, l’approche « creating shared value » propose de créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes, en intégrant des solutions durables pour l’environnement. Des dirigeants comme Indra Nooyi (Pepsi-Co), Jean-Dominique Sénard (Michelin) ou Emmanuel Faber (Danone) l’ont mis en pratique.

Du point de vue de l’actionnaire, les études montrent de plus un impact positif de la RSE sur la performance. Une étude de France Stratégie de 2016, par exemple, indique un écart de 13% entre les entreprises ayant mis en place une telle approche et les autres.

 

Pour l’IA, la RSE est un gage donné aux salariés

La RSE considère que les salariés sont des parties prenantes vis-à-vis desquelles l’entreprise est responsable des impacts de ses activités. Un dirigeant qui s’inscrit dans une telle démarche avant de lancer un projet IA donne donc des gages que les progrès permis bénéficieront aussi aux parties prenantes, dont eux.

Une étude[1], courte mais récente, appelle aussi à la réconciliation entre des visions différentes des dirigeants et des salariés en matière de culture de travail : si tous s’entendent pour dire que l’innovation au service des clients doit rester au cœur du modèle, les dirigeants appellent à plus d’agilité et d’anticipation, tandis que les salariés souhaitent davantage de collaboration et moins de pression. Bref, les dirigeants veulent garder l’entreprise sous tension, tandis que les collaborateurs veulent une approche plus qualitative du travail.

L’introduction de l’IA, sans un cadre de valeur(s) qui transcende d’abord ces différences, les amplifiera et créera du désengagement au moment où nombre d’entreprises peinent à recruter et fidéliser leurs collaborateurs. En répondant mieux aux attentes des salariés, le cadre de la RSE permet justement d’éviter ce piège.

 

Une approche qui peut rester simple et humaine !

Comme souvent, l’approche peut se structurer autour de deux éléments : une grille d’analyse de la valeur et une démarche pour croiser les légitimités successives.

 

Une analyse de la valeur enrichie

Les grilles concernant l’IA présentent typiquement trois axes : l’analyse de la valeur pour déterminer les activités automatisables, la faisabilité technique compte tenu de la maturité des systèmes d’information, et l’intérêt économique de l’IA en intégrant les coûts et les risques induits.

L’’analyse de la valeur peut être enrichie de trois axes de performance RSE pour garder l’analyse simple toute en restant cohérent avec les normes (ISO, B-Corp…) : l’impact sur les ressources, l’impact social et la transparence. La sécurité des produits est un « droit à opérer » considéré ici comme déjà inclus. Il peut aussi être intéressant d’ajouter l’innovation comme une ressource culturelle contribuant à la pérennité de l’entreprise.

Au total, cela fait une matrice assez gérable, qui peut d’ailleurs se reformuler autour des axes de la triple comptabilité analytique « People/Planet/Profit ».

Une démarche globale et expérimentale

La complexité tient entre autres au fait que la RSE se veut globale, commençant par un travail d’introspection, puis une inclusion progressive des parties prenantes. Tandis que l’IA invite plutôt à une expérimentation avant une extension pour avoir l’adhésion. L’ordre d’entrée en scène des nombreuses légitimités de la RSE est aussi clé et le dirigeant doit rester maître des horloges.

On peut combiner cela en une démarche ad hoc : le sens, le choix de la valeur, l’impact sur l’organisation, l’expérimentation et enfin le déploiement.  L’étape « choix de la valeur » intégrant les décisions sur la création et le partage de la valeur autour des « 3P ».

 

Être aussi en phase avec son style de leadership

Deux styles de leadership sont en particulier utiles dans un tel projet. Le style « visionnaire », dans lequel le dirigeant à une idée claire et ambitieuse du positionnement de l’entreprise en termes d’IA et de RSE. Sa problématique est d’assurer l’adhésion des équipes pour sa mise en œuvre. L’autre style est celui du leader « éthique ». Celui-ci table sur l’intelligence des collaborateurs pour trouver les réponses. Il se concentre plutôt sur leur autonomisation et le respect des valeurs communes. Chaque style est adapté à un contexte différent et chaque dirigeant doit aussi comprendre sa préférence.  

 

La conscience avant la science

L’IA peut ruiner les réponses, même imparfaites, que les entreprises apportent aux besoins humains : sécurité, appartenance, réalisation de soi … et donc profondément démotiver les équipes. Tandis que la RSE contribue au contraire à ces réponses. Les dirigeants ont donc tout intérêt à mettre l’intelligence artificielle au service de la recherche de la performance durable. Ceci redonnera aussi du sens et de la fierté aux équipes, et donc renforcera leur engagement pour se battre face à l’adversité actuelle.


Damien RIBON

 
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[1] CultureWay 2022 – Aktios Conseil




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