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Les indépendants vus par les dirigeants

21 décembre 2022 La lettre de XMP-Consult
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Comment est perçue la valeur ajoutée d’un indépendant par rapport à celle d’un cabinet ? Dans quels contextes faire intervenir l’un plutôt que l’autre ? Au travers deux entretiens, Claire Guillemain, DG de Thalie Santé[1], et d’Éric Delbecq, DG de Maison Lyovel [2], nous éclairent sur les apports spécifiques du consultant indépendant – ainsi que sur ses limites – telles qu’ils les ont expérimentés.

D’abord une relation personnelle 

Tout commence par l’émergence d’un besoin et le choix du dirigeant de chercher une réponse personnalisée : « Lorsque je fais appel à des consultants, mes besoins sont très variés : regard extérieur, compétence manquante, besoin de faire un pas de côté … et (se pose la question) de quelqu’un qui va faire le travail dans le sens que (je) veux ou celle d’un indépendant avec qui j’ai envie de travailler. Dans ce (dernier) cas, la compétence et l’affinité sont essentielles, en particulier dans les situations sensibles. Le consultant indépendant est presque membre de mon équipe, et je peux me confier à lui » dit Claire Guillemain.

Cette relation intuitu personae peut se construire à partir de l’histoire commune. Parlant d’un consultant indépendant en particulier, Éric Delbecq raconte « (C’est) une personne de confiance pour moi, dont je connais les qualités et les défauts, pour avoir travaillé avec elle avant ». Ou encore sur la base de rencontres : « Les indépendants ont tous des parcours de vie variés, ils ont pris des risques, ont été dirigeants, ils ont été à l’étranger et c’est cela que je recherche. Ce sont ces parcours très différents qui me rendent curieuse et me nourrissent. Ils m’apportent autre chose que des profils normés de gros cabinets » ajoute Claire Guillemain.

La singularité et la matrité du consultant indépendant les différencient d’autant plus des cabinets que ce sont, par construction de ces derniers, des consultants juniors qui interviennent dans la mission : « On envoie des juniors, avec des têtes bien faites et engagés, mais sans expérience (et cela n’est pas suffisant) » explique Éric Delbecq ou encore « Avec un cabinet, on discute avec un senior, puis des juniors viennent et avec qui cela se passe bien, mais ce n’est pas la personne qu’on avait choisie » précise Claire Guillemain.

En outre, cette relation personnelle permet aussi de bénéficier d’une continuité : « Pour (certaines) missions, je ne veux pas d’interchangeabilité entre deux juniors et donc je (préfère) la continuité d’un seul contact, (par exemple) dans le cas d’un expert-comptable » selon Claire Guillemain.

Un mode d’intervention souple 

L’indépendant est naturellement en phase avec le fonctionnement d’une ETI. Il est économe en ressources et ira à l'essentiel sans mobiliser trop de temps en interne: « On est très lean, donc un indépendant (autonome) sait rencontrer des personnes (autonomes) alors qu’un cabinet aligne une équipe de plusieurs consultants qui nécessitent qu’on mette de la ressource en face » selon Éric Delbecq.

Plus avant, son agilité se caractérise dans sa relation avec son client : « De par la relation interpersonnelle, il y a une forme de souplesse, d’acceptation par l’indépendant de la trajectoire (du dirigeant). Je sens la possibilité de faire évoluer ma demande, c’est plus simple, plus fluide. Alors que (lors par exemple d’une intervention d’un gros cabinet), on a dû leur tordre le bras ( …). Cela sortait du cadre de leur processus » dit encore Claire Guillemain.

A l’inverse, il faut mettre au bénéfice des cabinets l’intérêt pour les projets urgents : « Les cabinets établis sont utiles si le projet doit se dérouler rapidement et qu'il faut aligner de la ressource de conseil sur quelques semaines. On comprend bien qu'un indépendant, qui gère en parallèle plusieurs clients, ne peut généralement pas faire cet investissement à temps plein du jour au lendemain » explique Éric Delbecq ou encore « Un cabinet apporte du support, des livrables dans un délais » ajoute Claire Guillemain.

L’expérience comme ex-dirigeant souvent appréciée 

Les indépendants ont le plus souvent l'expérience du terrain, parfois dans des rôles similaires à ceux de leur client. Partant de là, ils sont plus créatifs pour proposer des solutions sur mesure : « Les généralistes ont tendance à appliquer à l’entreprise ce qu’ils ont vu ailleurs sans prendre en compte ma spécificité. Ils ont de grosses méthodes peu adaptables (…) Les cabinet font du data crunching porté par des juniors, de beaux Powerpoint (…). Pour un projet de réduction des coûts opérationnels, l’expérience vaut plus que des têtes bien faites. Celle d’avoir dirigé une entreprise et d’avoir vécu l’expérience pure de diriger 700 personnes (en l’occurrence) » commente Éric Delbecq.

La limite de la spécialisation de l’indépendant

La forte spécialisation des indépendants est cependant perçue comme parfois limitante lorsque le dirigeant a besoin d’élargir rapidement le champ d’investigation : « Un cabinet permet d’avoir une expertise avec la possibilité de s’élargir. Dans le cas d’un projet immobilier, (on aurait payé moins cher) mais on n’aurait jamais eu le temps de trouver cinq cabinets pour avoir un (diagnostic) à 360° » raconte Claire Guillemain . Le consultant indépendant travaille généralement dans un réseau et peut en faire bénéficier son client, mais la nature même de la relation interpersonnelle biaise les rapports et des conditions s’imposent pour que cela fonctionne : « (Mon consultant) m’avait mis dans les pattes quelqu’un d’autre, mais cela n’a pas marché. Il y avait presque un conflit de loyauté car c’était (lui) que j’avais choisi (…) Même dans une (autre projet pourtant réussi), j’avais (l’appréhension) que (le deuxième indépendant introduit) prenne le train en route (…) La règle du jeu doit être de dire (d’entrée de jeu) : "on va travailler à plusieurs" » explique Claire Guillemain.

Le cabinet pour le CA et l’indépendant pour le dirigeant

L’intérêt d’un cabinet avec une signature est aussi mis en avant dans les relations avec le Conseil d’Administration lors d’un diagnostic, alors que l’indépendant retrouve une légitimité plus forte auprès du dirigeant pour conduire le changement : « Un cabinet connu rassure le Conseil d’Administration et vous avez la garantie que ce sera validé et qu’on ne vous posera pas de question. Alors que pour un indépendant, cela ressemble à de la collusion et c’est donc plus difficile à défendre. Aussi, pour ce qui relève du diagnostic et des recommandations, je préfère une approche normée. Et pour l’accompagnement, je préfère l’indépendant » énonce Claire Guillemain.

Une réflexion systématique en amont pour faire le bon choix

Finalement, on en revient à la réflexion initiale du dirigeant sur la nature de son besoin : « Les deux formules sont intéressantes : un cabinet qui déploie des moyens dans un temps court versus un indépendant 1 à 2 jours par semaine sur le moyen long terme, (et qui permet ainsi) de faire bouger le cadre » résume Éric Delbecq. Et le fait que cette réflexion renvoie le dirigeant à la solitude de sa position pour savoir, justement, avec qui il va pouvoir la rompre : « Comme DG, on assure la MOA et on veut aussi être dans la MOE. Le consultant va nous aider à faire cette séparation. Et, comme DG, on n’a pas non plus toutes les compétences (…) Aussi, à chaque situation, je choisis en fonction de mes besoins et de mes envies. Donc il faut que je prenne le temps de me poser pour savoir avec qui travailler et pour quoi faire » expose Claire Guillemain.

 

Il est important d’ajouter, avant de proposer une conclusion, que les consultants indépendants et cabinets établis sont perçus comme tout autant au service de leur clients : « Ils sont sérieux dans leur travail, ils font attention à leurs clients, ils sont disponibles et aussi flexibles l’un que l’autre » ajoute Éric Delbecq. La différence perçue de l’indépendant n’est donc pas dans l’engagement.

On peut aussi ajouter que des consultants experts ont souvent des positions assez indépendantes au sein de grand cabinets. Ce qui leur permet d’exprimer en partie leur singularité, souvent cependant à des taux plus élevés que leurs homologues indépendants. De même, des indépendants peuvent être porteurs de normes dont ils peuvent afficher les qualifications professionnelles face à des tiers. Les propos recueillis ici s’entendent bien pour caractériser l’essence des deux approches d’un conseil du point de vue d’un dirigeant.

En croisant les expériences de ces deux dirigeants d’entreprise, il se dessine que la relation au conseil est encore et toujours celle de la confiance, au sens de « pouvoir se fier à », et qui dépend donc du besoin. Lorsque l’enjeu est lié à des engagement sur des standards, de forts volumes ou encore des délais très contraints, les cabinets sont le plus à même de répondre au besoin et de créer cette confiance, en apportant des preuves de leur fonctionnement normalisé. L’indépendant trouve quant à lui sa meilleure place lorsque le dirigeant exprime le besoin de s’enrichir de ce qu’un autre peut lui transmettre pour mieux exercer son rôle. La confiance se fonde alors sur d’autres preuves car, pour détourner une citation du poète Paul Reverdy, « il n’y a pas de confiance, il n’y a que de preuves de confiance ». Celles-ci sont alors apportées dans l’exposé - au-delà des documents et d’intervenants qui se ressemblent - d’un parcours et de convictions personnelles. Et sans doute d’un exposé dans les deux sens, car le choix est mutuel et la confiance réciproque.


 
[1] Thalie Santé, Service de Prévention et de Santé au Travail, est principalement dédié aux entreprises et salariés du secteur des Industries Culturelles et Créatives.
[2] Maison Liovel est un leader français du marché de la distribution automatique (café, snacks et boissons) en entreprise, filiale du groupe international Jacobs Douwe Egberts 




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