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Nouveaux usages, nouvelles mobilités, ruptures et continuités

16 décembre 2021 La lettre de XMP-Consult
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Fragmentation et segmentation de l’offre, modification des usages, nouveaux équipements, nouvelles règlementations, nouveaux modes de consommation… Pour certains, l’automobile serait à la veille d’une mort annoncée, tout comme la télévision… Qu’en est-il vraiment ?

Chronique d’une mort annoncée ?

Les media l’annoncent, « la révolution numérique et le durcissement des exigences environnementales conduisent à une profonde mutation des modes de déplacements et des usages des véhicules[1]. »

En effet, d’ici 2035, par décision de l’Union européenne, les moteurs thermiques auront disparu, et avec eux tout un pan de la mécanique automobile, avec ses métiers de conception, de fabrication et d’entretien. Que restera-t-il de la dimension plaisir ou passion de l’automobile ? De plus, le prix des véhicules bondit avec l’électrification[2], la multiplication des systèmes de sécurité et les nouvelles contraintes législatives, ce qui en complique l’acquisition par les plus jeunes – car bien que le marché des voitures neuves soit depuis longtemps trusté par les seniors, les jeunes conducteurs sont concernés par l’arrivée sur le marché de véhicules d’occasion de plus en plus chers. Conséquence, les plus jeunes multiplient les astuces pour se passer de voiture.

Ces changements tendent à augmenter le taux d’utilisation des véhicules et donc à en réduire les besoins en nombre. La réduction des volumes de production pourrait s’avérer insupportable économiquement pour les constructeurs, alors que le contexte environnemental conduit à revoir en profondeur la conception des véhicules et à en accroître la complexité.

Est-ce la fin de l’automobile telle que nous la connaissons ?

Quand la réalité tord le cou aux idées reçues…

En réalité, l’évolution des usages en termes de mobilité ne correspond pas entièrement aux idées reçues. La popularité de la voiture reste forte, et progresse en période de pandémie, car le COVID favorise l’utilisation d’un moyen de transport adapté aux risques sanitaires qui répond aux aspirations de liberté individuelle suscitées par la crise. La voiture reste LE symbole de liberté : 65% des français déclarent « on ne pourra jamais complètement abandonner la liberté que procure la voiture pour nos déplacements » contre 35% qui souscrivent à l’affirmation « on devra abandonner la voiture pour d’autres modes de transports afin d’éviter les nuisances qu’elle procure ».[3]

D’ailleurs, jusqu’en 2018, le nombre de kilomètres parcourus par véhicule n’a cessé d’augmenter (13 270 km en 2016), le nombre de voitures neuves vendues de progresser (2,17 millions en 2018), mais elles sont de moins en moins remplies (1,6 passager par voiture en 2015, contre 1,8 en 1990).

Des attentes qui ne changent pas

Dans ce contexte perturbé, le marketing automobile se trouve placé devant un défi : convaincre les clients d’acheter des produits nouveaux, dans des référentiels inédits. Par exemple, on ne pourra bientôt plus « vendre » la cylindrée des moteurs alors que jusqu’à présent les clients acceptaient de payer plus pour une voiture plus puissante. La taille du véhicule elle-même ne sera peut-être plus aussi déterminante de la montée en gamme. Certains constructeurs ont déjà basculé dans le « tout écologique » : il faudrait acheter une voiture parce qu’elle est zéro émission, à 95% construite à partir de matériaux recyclés, dans une usine à bilan carbone nul… Mais ce n’est pas si simple, et ces arguments ne peuvent convenir qu’à une cible limitée.

En effet, les études de marché indiquent que la majorité des consommateurs continuent de privilégier des prestations (performance, confort, versatilité…) et que la préoccupation écologique arrive au 2ème plan et guide éventuellement le choix du véhicule vers les versions électriques ou hybrides.

Les plus jeunes plébiscitent l’automobile…

Les jeunes générations (Y ou millenials, et Z) ne porteront pas l’estocade à l’automobile. La voiture est un outil quotidien pour 63% des millenials, et 32% de la génération Z considère que posséder une voiture est une étape importante dans la vie (contre 34% pour la génération X) ; 62% prennent plaisir à utiliser leur voiture (contre 60% pour la génération X), et 36% achèteront sûrement ou très probablement une voiture électrique (contre 16% pour la génération X)[4]. De plus, étant donné le coût élevé des véhicules, les jeunes sont de plus en plus nombreux à faire appel aux formules de location (LDD et LOA = 40% des millenials). Quant aux transports publics, les millenials sont ceux qui y ont le plus recours, mais ils sont critiques vis-à-vis d’eux. Ils réclament une amélioration radicale du service, plus de confort, une expérience de qualité pendant le trajet et une meilleure interconnexion avec d’autres moyens de transport.

… mais pas à n’importe quel prix

La solution pour s’accommoder du coût des véhicules, c’est l’utilisation d’applications connectées. Cette pratique a littéralement explosé auprès des millenials puisque 75% y recourent : autopartage, covoiturage, location de véhicules (éventuellement électriques) à l'heure ou à la journée, et autres formes de nouvelle mobilité. La génération Z utilise deux fois plus d'applications de mobilité de transports publics ou partagés que la génération X (61% des génération Z et Y, contre 27% pour la génération X). Cette génération est ainsi la première à embrasser pleinement et véritablement la multimodalité.

Les « natifs du numérique » arbitrent donc en permanence entre leurs besoins de mobilité, leur budget et leur attachement à l’environnement en fonction de la durée de déplacement, de la praticité, du coût et du critère durabilité, en tirant parti de toutes les possibilités. Tout en étant plébiscitée comme un moyen de transport pratique, souple et sécure, la voiture est donc de facto en concurrence avec de nombreuses autres offres. Mais les différences territoriales introduisent un facteur supplémentaire dans l’équation…

Une fracture territoriale prononcée

Selon l’Observatoire des mobilités[5], 67% des automobilistes français déclarent « ne pas avoir la possibilité de choisir leur mode de déplacement », mais ce chiffre recouvre deux réalités opposées : 32 % des ménages des grandes agglomérations sont concernés, contre 83 % dans les communes rurales isolées. Le fossé se creuse donc entre les habitants des grandes métropoles qui disposent de plusieurs choix de modes de transport, et ceux des zones rurales et de grande banlieue, privés de véritable alternative à la voiture. Paradoxalement, le coût des véhicules et des carburants y grève lourdement le budget de nombreux ménages modestes, avec des perspectives d’aggravation à court-terme. Et la disparition des énergies fossiles pénalisera les zones rurales et isolées qui ne bénéficieront pas de suffisamment d’équipements de distribution des nouvelles énergies.

Outre d’exacerber le mécontentement de ceux qui n’habitent pas au centre des grandes villes et qui continuent à dépendre de la voiture individuelle au quotidien, cette fracture territoriale fragmente le marché et rend plus difficile la conception de moyens de transport accessibles et conformes aux nouvelles exigences légales et réglementaires.

Plutôt qu’une révolution, l’automobile connait une mutation

Bien que les attentes ne changent pas radicalement, l’évolution des usages est réelle et les difficultés d’adaptation seront importantes pour toutes les parties prenantes de la mobilité (consommateurs, industriels, salariés, entreprises de service…). Mais la valeur d’usage et la valeur aspirationnelle de l’automobile restent très puissantes. L’avenir de l’automobile est à repenser, et il suscite déjà une profusion d’innovations. Cet outil de liberté n’a sans doute pas fini de nous faire rêver.

Hélène Watbot

Antoine Jaulmes

 


Télécharger la Lettre de XMP-Consult n°13 (janvier 2022) en .PDF

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[1] Voir par exemple l’article de Bruno Mouly dans Les Echos du 8 avril 2021 : « Les constructeurs s'adaptent aux nouveaux usages de mobilité » https://www.lesechos.fr/thema/flottes-entreprises-tendance-2021/les-constructeurs-sadaptent-aux-nouveaux-usages-de-mobilite-1305042

[2] Carlos Tavarès a annoncé +50% à terme sur le prix des véhicules lors de la conférence "Reuters Next" le 4 décembre 2021.

[3] Observatoire des mobilités émergentes, étude publiée en janvier 2021 par l’agence Chronos et l’Observatoire société et consommation (ObSoCo).

[4] Etude qualitative Kantar « la mobilité vue par les jeunes générations » (avril 2021). Kantar, leader mondial de la data, des études et du conseil, a mené cette étude auprès de jeunes urbains, étudiants ou jeunes actifs (18-34 ans), engagés pour l’environnement, en 2021.

[5] Voir note 2.




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