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Changement, projet et influence - Mots clés du consultant ?

28 octobre 2019 Les cahiers d'XMP-Consult
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“Le faire plutôt que le définir” : décrire le geste

Il est possible de trouver dans le travail dans une entreprise, beaucoup des aspects des missions de consultant. L’accélération des bouleversements dans les organisations et leur environnement stimule la curiosité, le désir de changement et la créativité. La transformation des entreprises est aussi une opportunité de travailler en mode projet. Les structures hiérarchiques s’assouplissent et permettent le développement de nouveaux modes de collaboration où le leadership par influence complète, voire remplace dans les entreprises dites « libérées », le pouvoir hiérarchique. Changement, projet et influence sont pour moi des mots clés communs, distinctifs et attractifs (en ce qui me concerne, en tous cas) du travail de consultant.

Tout au long de ma carrière, j’ai pu jouer le rôle d’un consultant à la manière de « Monsieur Jourdain ». Pendant les cinq années de Recherche & Développement, j’ai participé à des projets de recherche ou été mobilisé comme expert technique. Cela a été l’occasion d’accompagner les équipes commerciales et conseiller leurs clients pour la résolution de difficultés techniques, pour fournir des prestations techniques ou aider au développement de produits et de procédés. Ensuite, une dizaine d’années dans des fonctions commerciale qui ont évolué vers le marketing et la coordination d’une équipe commerciale en Europe et Moyen Orient, m’ont préparé -trop peu- à la prospection commerciale que le consultant indépendant doit maitriser. Vendre des polymères de spécialité est en effet très différent que de vendre des prestations de conseil. Développer un nouveau produit a ses contraintes physiques alors que créer une offre de conseil n’a que les contraintes de son imagination et de ses capacités et expérience à la rendre crédible.

Créant un poste de chef de produits, j’ai mis en place des outils de gestion de produit, contrôle de gestion, de planification, de mise en conformité règlementaire, de gestion commerciale… J’ai pu développer ces outils en structurant et compilant les données. J’avais déjà développé une base de données des essais du laboratoire qui m’avait permis de réduire le temps de création des rapports d’essai d’une semaine à une demi-journée. En tant que commercial, je n’ai pas immédiatement compris l’intérêt de structurer les données. J’avais laissé au centre de recherche le gros ordinateur central et ces bases de données. Il a fallu le hasard d’une version de démonstration et la lecture d’un article m’expliquant en deux pages les principes de fonctionnement de Filemaker pour reprendre conscience de l’intérêt d’investir dans les données. Comme j’ai pu accélérer la rédaction des rapports d’essai, les données m’ont aidé à avoir un meilleur suivi de mes clients, gagnant du temps sur la partie administrative pour me consacrer à la prospection de nouveaux marchés. De la même manière, cette fois comme chef de produits, ces modèles de données ont permis d’augmenter la réactivité de la prise de décision qui pouvait être fondées sur des données objectives que ce soit au niveau central que sur le terrain. Décrivant avec plus de précisions la chaine logistique des approvisionnements à la distribution, les données étaient utilisées pour optimiser les coûts en routine et de valider les solutions alternatives en cas de crise.

Jusque-là, mon rôle de consultant était implicite. Pour aider les services opérationnels à mener leurs projets de changement, un département « New Business Development » a été créé à la direction du groupe pétrolier où j’avais mis en place les processus de gestion de produits. Il m’a été proposé de rejoindre cette petite équipe et d’y avoir désormais un rôle explicite de consultant. L’objectif de notre équipe était d’apporter un appui méthodologique aux projets de transformation des unités opérationnelles. Nous apportions aussi des ressources pour aider les équipes à se libérer de la tyrannie du quotidien pour mener à bien le changement. Les missions étaient extrêmement variées allant de la création de centres de profits à la prospective marketing à long terme en passant par la transformation numérique des processus de gestion pour laquelle j’avais déjà une bonne expérience. Quand j’ai demandé pourquoi j’avais été sélectionné pour rejoindre cette équipe, le numéro deux du groupe qui supervisait ce nouveau département m’a répondu qu’il recherchait des profils très flexibles, capables de changer de métier et d’environnement tous les six mois. C’est bien d’en être capable mais au bout de quelques années à voyager dans le monde entier et de ressentir la satisfaction très particulière quand le projet est fini et que l’organisation prend le relais, j’ai voulu pouvoir diriger ma propre organisation. Après avoir obtenu un Master d'état de « Management Général des Organisations » à l’Institut du Contrôle de Gestion, un mandat de trois ans de directeur général d’une association professionnelle m’a donné la possibilité de diriger une entité tout en continuant, incorrigible, de « faire le consultant » dans le cadre des projets de l’association.

Implicite ou explicite, j’ai bien trouvé les trois mots clés proposés au début de ce texte, dans les « missions » que j’ai pu exercer.

Le « changement » y est le plus souvent un élément moteur. Dans certain cas il est évident et désiré comme pour la création d’une nouvelle activité, dans d’autre cas il peut être perçu comme inutile. Il est très difficile de convaincre une filiale déjà très profitable de changer ses méthodes de travail. Le changement peut être vu comme un diktat imposé par le siège. Il faut déployer des trésors de diplomatie pour mobiliser les équipes locales en leurs montrant l’intérêt qu’elles pourront y trouver. Dans certains cas, il ne faut pas hésiter à dramatiser la situation. Dans le cas d’un déploiement, le séquencement peut s’inspirer d’Everett Rogers qui préconise de commencer par les « Early adopters » et garder de la modestie de reconnaître que c’est l’organisation qui, au final, se réorganise elle-même.

Un élément fondamental du mode « projet » est la communication en interne, en externe et avec la gouvernance du projet. La première chose à faire est de clarifier l’objectif du projet sous forme d’un « slogan » que tous doivent s’approprier dès la réunion de lancement. Beaucoup d’arbitrage se feront de manière naturelle dans la mesure où le but à atteindre est clair. Pour les projets ayant un budget significatif dans les critères de succès, un suivi des dépenses et du planning est nécessaire. Et les prévisions doivent être régulièrement ajustées pour anticiper les dérives en plus ou en moins en quasi temps réel. La mise en place du tableau de bord permet d’ajuster en tout début de projet les hypothèses parfois un peu trop optimistes prises pour en décider le lancement. C’est l’occasion d’impliquer le sponsor du projet qui doit être suffisamment haut dans la hiérarchie pour acter les ajustements nécessaires. Le travail en mode projet peut procurer à certains une motivation particulière avec le sentiment d’accomplissement ressenti en fin de mission. Il peut être parfois gâché par un « baby blues » ressenti quand l’équipe a particulièrement bien fonctionné. La célébration du succès du projet ne doit pas être oubliée. Parfois et c’est assez rare pour être noté, la perpétuation de l’équipe projet se fait au travers de rencontres comme le ferait une d’association d’Alumni. Enfin, même si c’est difficile de rester mobilisé le projet livré, faire un bilan avec l’équipe projet, le sponsor et les autres parties prenantes est indispensable pour ne pas reproduire les difficultés rencontrées et pour capitaliser sur les talents révélés ou acquis par l’équipe projet.

Enfin, en tant que consultant notamment dans les missions avec une composante de direction de projet, le leadership n’est pas fondé sur une légitimité hiérarchique. Les membres de l’équipe projet gardent le plus souvent leur responsable et doivent composer en plus avec la gouvernance du projet. Pour que le projet se déroule dans les meilleures conditions, il faut mobiliser avec un Leadership d’« influence ». Il n’est pas question de manipuler les gens mais avec eux de se mobiliser autour d’une vision partagée du projet. Savoir communiquer de manière efficace à l’intérieur de l’équipe projet et avec sa gouvernance et les autres parties prenantes est un facteur clé de succès. Rédiger en commun les termes de référence du projet ou de la mission est une manière de s’assurer que tous sont sur la même page. Rythmer le projet en étapes est une bonne pratique de la gestion de projet qui maintient la dynamique de l’équipe en l’aidant à se concentrer sur des horizons proches. Sans nécessairement travailler en mode « agile », les tableaux Kanban visualisent les tâches en cours pour l’ensemble de l’équipe. Un outil comme Trello le fait de manière très élégante avec le bémol de ne pas structurer les données. Il faut toujours avoir un tableur et pour les projets complexes une base de données pour gérer les budgets et autres données. Zenkit cache sous une interface simplifiée la possibilité de visualiser les tâches sous forme d’un Kanban pour n’importe lequel des champs étiquettes avec la possibilité de consolider les données numériques réconciliant en un outil Trello avec une version simplifié de MS Excel. Trello ou Zenkit comme la plupart de la pléthore de logiciels de gestion de projet disponibles permettent de centrer les interactions de l’équipe projet autour des enjeux. Chaque fois qu’une interaction n’est pas faite sous forme d’un email ou même d’un message instantané, l’énergie de l’équipe est préservée, concentrée pour le projet. Les logiciels de gestion de projet ont certes des avantages indéniables pourtant c’est un défi pour le consultant indépendant d’apprendre un nouvel outil à chaque fois qu’il change d’organisation et il faut comprendre la réticence d’abandonner la confortable inefficacité de l’e-mail par l’apprentissage de nouveaux outils.

Les missions de consultant, interne ou externe ont permis de révéler ce que j’aime faire et pour lequel je suis bon au travers de ces trois mots clés : Changement, projet et influence.

Relever des défis innovants et ambitieux est en résonnance avec mon côté innovateur et « early adopter » enthousiaste facilité par une capacité d’intégration de nouveaux concepts. Changer est aussi l’amélioration continue Kaizen et la rationalisation des processus pour améliorer l’efficacité et l’expérience utilisateurs des clients et des opérationnels. Le « reengieneering » et le numérique remettent en cause le statu quo pour faciliter le travail, augmenter productivité, réactivité et surtout satisfaction.

Travailler en mode projet m’aide à éviter la routine de fonction trop linéaire et répétitive qui mettent à dure épreuve ma motivation. Les projets sont l’occasion de consolider les données et informations pour mieux les exploiter. Chaque projet doit fertiliser les gisements de productivité et d’innovation à exploiter par les futurs projets.

Donner du sens à l’action et structurer l’approche des points de vue organisationnel et financier me donne la satisfaction de transmettre une vision commune pour que chacun puisse contribuer. Une équipe qui s’adapte d’elle-même aux enjeux procure le même plaisir qu’un dériveur qui s’envole sur les vagues.

Enfin, le rôle du consultant utilise sa position particulière dans l’organisation pour développer de nouveaux réseaux et de nouvelles interactions. Combinant le changement, le projet et l’influence, le consultant aide les organisations à mobiliser leur intelligence collective.

 

Didier Carré
5 septembre 2019
didier.carre@me.com

 

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