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Symétrie et dissymétrie de la relation de conseil

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S’il est des difficultés que partagent les consultants indépendants, c’est d’être confrontés à de nombreuses symétries et dissymétries dans leur relation avec leur client.  


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S’il est des difficultés que partagent les consultants indépendants, c’est d’être confrontés à de nombreuses symétries et dissymétries dans leur relation avec leur client. Évoquons quelques aspects qui nous ont marqués dans notre activité, et la manière de les analyser, affronter, surmonter et utiliser.

Dedans et dehors

Être consultant indépendant pour un client est, d’abord et avant tout, un état de fait d’inclusion-exclusion.
Choisi pour fournir une prestation de service, le consultant indépendant n’appartient pas à cette structure. L’intérêt est précisément qu’il n’en fasse pas partie, et c’est normal. La dissymétrie est flagrante : ils sont nombreux, il est seul. Et pourtant, ça n’est pas si contrasté. Pendant la mission le consultant pense alternativement nous ou eux suivant les circonstances. Il circule dans cette organisation et, peu à peu, un sentiment d’appartenance apparaît  : il participe aux objectifs de son client, il intègre son vocabulaire, son formalisme, ses habitudes du quotidien. De cette façon, il organise la symétrie tout en préservant son individualité. Il est là pour apporter de la rupture, sa vision différente des choses.
Il fait partie de … mais il ne fait pas partie de…, la frontière entre intérieur et extérieur marque à la fois une dissymétrie (je suis dehors, ils sont dedans) et une symétrie (nous sommes de part et d’autre de cette frontière). La situation peut devenir ambiguë. Le piège de la complicité et du faux alignement demeure. La connivence entre le client et le consultant est une fausse symétrie, mais bien une dissymétrie majeure. Le consultant et le client n’ont pas la même posture, et c’est au consul-tant de gérer cette tension entre indépendance et insertion.

Le caméléon diplomate

Être consultant, c’est être témoin, et notamment témoin du fonctionnement de son client.
Le consultant se trouve face à des clients structurés en organigrammes, fonctions, services qui sont autant de figures de symétrie et de dissymétrie. Inévitablement, il est un jour ou l’autre confronté aux difficultés et frictions internes à l’entité cliente. Sa posture externe, en dehors de ces conflits, lui permet de changer de couleur, comme un caméléon, aller des uns aux autres jusqu’à trouver d’autres symétries ou dissymétries. Pourquoi changer de couleur ? C’est grâce aux symétries qu’il crée lui-même avec chacun, tout en préservant sa propre place, en bon caméléon diplomate, qu’il peut entraîner l’adhésion collective qui permettra de résoudre le problème. Grâce à son écoute et empathie envers son prescripteur et les autres parties prenantes associées, il capte mieux les signaux faibles que son expérience et son expertise peuvent analyser et extrapoler.

On a toujours besoin d'un plus petit que soi

Aucun des deux, ni le client ni le consultant indépendant, ne sait comment va se passer et se terminer la mission, il y a de la symétrie dans la prise de risque, mais une forte dissymétrie dans le pouvoir. La dissymétrie existe : le client est roi. Mais « on a toujours besoin d’un plus petit que soi ». Tel le remorqueur qui aide les cargos à manœuvrer dans le port pour atteindre leur place de stationnement, le consultant indépendant sait insuffler localement des changements de ligne de conduite pour atteindre l’objectif initial de son client. Le frêle remorqueur bouge, il est facilement manœuvrable face au paquebot plus inerte dans cet environnement. L’agilité du petit remorqueur y est primordiale. Cette dissymétrie-là devient alors complémentarité. Comme le remorqueur à son paquebot, le consultant porte une attention particulière à son client, donnant l’impression en première approche d’une dissymétrie forte. Le client peut décider de mettre fin à la collaboration à tout moment, mais au risque de perdre l’agilité que sa taille ou sa maturité ne lui permettait pas d’appréhender. Le paquebot qui rompt le lien risque de s’échouer.
À l’inverse, le client est une source d’apprentissage pour le consultant. Au-delà des aspects financiers, comme le remorqueur qui entretient son savoir-faire, le consultant a besoin de son client pour rester à l’état de l’art et régénérer son savoir, actualiser son offre.
Le principal devient alors la réponse commune à un défi entrepris à deux : amener le cargo à bon port.

La relativité du temps

Il reste une dissymétrie à appréhender et à piloter, celle du temps. Les espaces temporels dans lesquels travaillent le consultant et son client sont à priori antagonistes. Ce sont deux mondes complètement parallèles. Le consultant se doit d’être réactif, rapide à l’exécution dans toutes les phases de sa relation, mais il attend aussi que les missions se décident, de rencontrer les gens, que tout le monde puisse se réunir, d’être référencé, d’être payé… Le client, lui, est maître du temps. Dans une grande entreprise où les processus sont matures, les décisions doivent être partagées, collégiales, consensuelles et cela prend du temps. A contrario, chez une start-up ou une TPE/PME, le court terme est privilégié avec une activité papillonnante. Dans les deux cas, pour le consultant, les choses semblent traîner d’autant que, régulièrement, on lui demande de repartir sur les chapeaux de roue. Les ralentissements et accélérations sont fréquents et pénibles. Ce déphasage crée une nouvelle dissymétrie et une réelle difficulté.
Cependant, le consultant peut aussi prendre le temps de choisir son client. Il peut vouloir choisir son client pour renforcer son offre de valeur, sa marque. Il vaut mieux avoir un socle financier pour se le permettre.
Indépendamment de cela, c’est une posture et un état d’esprit de décider de prendre du temps pour pouvoir dire « vous me choisissez, mais je vous choisis aussi ». Ce temps de prospection et de réflexion est essentiel pour être sûr que la relation sera de qualité, équilibrée et harmonieuse. C’est un temps pour vérifier que le consultant est bien aligné avec le client et ses propres valeurs pour rester indépendant. La collaboration en sera d’autant plus fructueuse.

Le contrat

S’il est un élément de symétrie fondamental, c’est le contrat, qui est engageant pour les deux parties, et pas seulement en cas de litige. De manière contre intuitive, il humanise la relation et en assure la symétrie  : théoriquement, chaque paragraphe est discutable de manière équilibrée même si les services juridiques du client sont généralement infiniment plus affûtés. Le consultant indépendant devra donc apporter un soin particulier à la rédaction du contrat et au jalonnement du projet : moyens mutuels, livrables, agenda, conclusions intermédiaires, limites du champ d’intervention… Le contrat, comme élément de symétrie, permet alors de jouer avec toutes les symétries et dissymétries, richesse de la relation entre le consultant indépendant et son client.

Claudie Boudet - Laurent Deleville - Eric Gorouben




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