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Equipes de direction : quelles méthodes pour prendre des décisions ?

08 janvier 2021 La lettre de XMP-Consult
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Une caractéristique de l’intelligence humaine est  la capacité de décider selon un mode raisonné. La méthode peut être un moyen de mettre en œuvre cette raison par une séquence logique d'actions de l’esprit conduisant à un but, en évitant les pièges d’une pensée trop rapide.

Par exemple, la méthode de résolution de problème commence par poser le problème, puis à en évaluer les enjeux, à en rechercher les causes puis les solutions, à choisir les solutions  et à définir comment les mettre en œuvre. Elle permet d'éviter d'aller directement à des solutions coûteuses et inefficaces. Par exemple, dans une usine le constat « nous n’avons plus de câbles », peut conduire directement à la solution « il faut en racheter ». Or, s’il y a déjà des câbles dans l’atelier, mais qu’on n’arrive pas à les trouver parce que l'atelier est mal rangé, l’achat de câbles supplémentaires aggraverait le problème de rangement.

Les méthodes d'aide à la décision sont nombreuses :  pour les plus simples, la matrice de compatibilité, la matrice multicritères et pour les plus compliquées à ma connaissance des méthodes d’optimisation à base de simulations statistiques.

Ces méthodes sont utilisées en entreprise notamment dans le domaine de l'ingénierie et des grands projets, dans des groupes de résolution de problèmes, d’amélioration continue ou des fonctions particulières comme la fonction achats.

Dans quelle mesure sont-elles utilisées par les comités de direction, y compris ceux qui préconisent leur utilisation par le terrain ?

Dans la plupart de mes missions de conseil et d’accompagnement des entreprises, j'interviens auprès des équipes terrain et auprès des comités de direction. J'ai très souvent constaté le décalage entre la volonté des comités de direction et des dirigeants de développer une forme de rationalité au sein des équipes, et que le fonctionnement des comités de direction n’est pas toujours aussi rationnel.

Ce constat a été validé par une enquête récente auprès d'un groupe de praticiens de la prise de décision en entreprise, dirigeants ou consultants facilitant la prise de décision.

Il ressort de cette enquête des facteurs de succès intéressants des premiers retours d'expérience de prise de décision dans les équipes de direction: la structuration du temps et de l'équipe, la gestion des ego, l'intention d'embarquer l'équipe dans le sens décidé par le dirigeant, la prise en compte de l'influence de la société et de ses valeurs, le caractère participatif ou directif du dirigeant, la relation à l’autorité formelle au sein de l’équipe, la maîtrise des outils standards d’animation de réunion, l’alignement des rémunérations variables… Cette enquête montre aussi qu’il y a assez peu de méthodes utilisées dans beaucoup d’équipes de direction.

 

Qu'est-ce qui peut bien conduire à cette situation ?

Concernant un individu on peut comprendre qu’une prise de décision rationnelle est bien difficile.

En effet, si nous étions complètement rationnels, nos prises de décision viseraient à optimiser nos intérêts.

Mais il s'avère que nous avons d'autres motivations que l’intérêt, comme le plaisir, la confiance, les croyances, les valeurs.

Par exemple, vous pourriez avoir un grand plaisir à boire une bière mais vous n’avez pas intérêt à le faire si vous avez une compétition sportive demain. Vous pouvez aussi avoir du plaisir à rouler en voiture de collection mais vous n’avez pas complètement confiance dans la manière dont elles fonctionnent. Vous avez intérêt à vendre vos masques de protection au prix fort dans la mesure où il en manque mais cela heurte une valeur personnelle de ne pas profiter du malheur des autres.

Par rapport à ces différents critères, l'intérêt, le plaisir, la confiance, l’éthique, le choix n’est pas facile dans la mesure où ils portent sur des fonctions très différentes : des raisonnements, des émotions, des croyances, des décisions...

À cela s’ajoute le fait que la relation de préférence n'est pas toujours transitive : par exemple une direction de projet peut préférer le respect des délais à la conformité au cdc, la conformité à la maîtrise des coûts et la maîtrise des coûts au respect des délais  . Ce manque de transitivité complique l'obtention d’une décision qui soit complètement rationnelle.

Les biais cognitifs, mécanismes rapides et simplifiés de la pensée dont on n'a pas toujours conscience renforcent la limitation de la rationalité dans nos prises de décision.

Pour les entreprises toutefois, les choses pourraient être beaucoup plus simples : une entreprise a un nombre limité d'objectifs et de contraintes dont  l'optimisation pourrait être plus aisée. Le comité de direction, organe qui porte ces décisions, devrait pouvoir les prendre de manière rationnelle. Or, comme on l’a vu, c’est loin d’être une généralité.

La recherche de pouvoir et l’ego pourraient-ils en être une explication ?

Dans une entreprise, le comité de direction dispose de tous les moyens de l'entreprise pour prendre les décisions dans le cadre fixé par le conseil d’administration éventuel : il a ainsi d’un grand pouvoir.

Le pouvoir est pour beaucoup de membres de comités directeurs un moyen de réaliser des objectifs servant l’intérêt de l’entreprise. Pour certains toutefois, le pouvoir est un objectif en soi, flatteur de l’ego avec le bénéfice émotionnel associé. Ils sont ainsi particulièrement sensibles à la détention du pouvoir et peuvent déraper dans leur prise de décision pour le préserver ou le développer.

Sans aller jusqu’ à l'exemple de ces dictateurs qui souhaitent développer et conserver leur pouvoir jusqu’à ce que cela leur soit fatal, il y a bien des circonstances où l’on observe des comportements irrationnels liés à la détention du pouvoir par des personnes dotées de grandes capacités intellectuelles . Cela peut être une motivation de certains dirigeants qui s’obligent à des quantités de travail et des modes de travail nuisibles à leur santé.

La recherche de pouvoir peut également conduire à des coalitions malsaines au sein du collectif, le conduisant dans des voies délétères.

 

Quels sont les moyens pour inviter un comité de direction à prendre des décisions plus rationnelles avec plus de méthode ?

 Les pistes suivantes peuvent aider, en partant du principe que le codir dispose de toutes les informations raisonnablement accessibles pour ses prises de décision.

Une aide externe, neutre, aura une vision nouvelle et a priori indépendante des jeux d'acteurs qui peuvent se produire au sein d'un comité de direction. Ce facilitateur du comité de direction aura alors tout loisir de proposer des méthodes. Elles seront souvent acceptées dans la mesure où il sera l'arbitre de la partie qu'il a organisée et pour laquelle il propose des règles du jeu.

La diversité des membres du comité de direction, même éphémère peut également être particulièrement efficace : elle permet d'éviter certains biais collectifs comme le groupthink, c'est-à-dire  une dynamique de groupe nocive à la pensée rationnelle. La diversité dont il est question ici n’est pas nécessairement basée sur le genre, les origines nationales ou socio-économiques, mais sur les formations et parcours des membres du codir.

Des approches très structurées de réflexion, d’échange et de décision, avec des temps alloués précis, et des jalons définis pour prendre la décision aident également à décider avec efficacité.

D'une manière générale, la prise de décision d'un groupe de direction sera également facilitée s’il existe entre les membres de ce groupe une grande confiance, notamment dans la solidarité au sein de l’équipe.

En l'absence de confiance, les autres constituent un facteur de risque qui freine la prise de décision.

Avec une confiance dans le collectif et une confiance raisonnable en soi, les dirigeants peuvent compter sur l’intelligence collective et la collaboration efficace au sein de l’équipe de direction, ce qui leur permettra de réagir avec agilité à d’éventuelles malchances.

Jean-Louis Galano
https://www.linkedin.com/in/jeanlouisgalano/

 


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