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Le codéveloppement, outil d’apprentissage et d’intelligence collective

04 novembre 2025 La lettre de XMP-Consult
Vue 31 fois

 par Jean-Charles Fuerxer et Catherine Hoyez

 

« La délibération doit être multiple ; la décision seule. » (Peter Drucker)

 

Piloter une entreprise, c’est décider sans jamais avoir toutes les cartes en main. Et, comme le rappelle Peter Drucker, cette décision reste toujours solitaire.

Pourtant, il existe des méthodes pour enrichir sa réflexion avant de trancher.

 

De Peter Drucker au Codéveloppement professionnel.

Peter Drucker a défini six étapes pour bien décider.

  1. Clarifier le problème
  2. Définir le problème
  3. Spécifier la réponse, quels sont les buts à atteindre ?
  4. Décider de ce qui est juste plutôt qu’acceptable
  5. Intégrer des actions
  6. Tester la validité

Peter Drucker rappelle qu’une bonne décision n’est jamais le fruit d’une intuition rapide, mais d’un processus rigoureux. Tout commence par poser les bons mots sur le vrai problème, d’en cerner les contours, les objectifs à atteindre et de chercher la solution la plus juste, pas seulement la plus acceptable.

Une fois cette décision prise, elle doit immédiatement être traduite en actions concrètes. Enfin, Drucker insiste sur un point trop souvent négligé : évaluer après coup la pertinence de ce qui a été décidé et ajuster si nécessaire.

Au Québec, Adrien Payette et Claude Champagne ont créé une méthode qui résonne fortement avec cette approche : le codéveloppement professionnel.

Le principe : 6 à 8 dirigeants ou managers se réunissent régulièrement avec un facilitateur. À tour de rôle, chacun présente une situation réelle (un problème, une décision à prendre, un projet). Le groupe l’aide à clarifier, enrichir et élargir sa réflexion à travers une démarche structurée en six étapes, de l’exposé du sujet jusqu’à la mise en action.

  1. Préparation d’un sujet
  2. Exposé du sujet
  3. Clarification
  4. Contrat
  5. Consultation
  6. Synthèse et plan d’action
  7. Apprentissages

Une méthode simple, un impact puissant

Le codéveloppement repose sur une règle d’or : pas de conseils plaqués. Les pairs partagent plutôt leurs expériences, leurs regards, leurs questions, toujours dans l’intérêt du « client de séance». Celui qui expose son cas, repart alors avec des idées nouvelles, un plan d’action, et surtout la conviction de ne pas être seul face à ses dilemmes.

À la séance suivante, il partage ce qu’il a testé. Le groupe apprend collectivement des partages, réussites, mais aussi des erreurs. C’est là toute la force de la méthode : transformer l’expérience individuelle en apprentissage collectif.

 

Comparaison et spécificités du codéveloppement professionnel

Certes, le processus Payette et Champagne n’est pas exactement identique à celui proposé par P Drucker et c’est d’ailleurs ce qui va faire la richesse de cet article.

Vous pouvez y voir des processus de gestion de problématiques, d’accompagnement à la prise de décision. En effet, les deux suggèrent de prendre le temps de clarifier le problème. En quoi est-ce vraiment un problème ? Pourquoi, ici et maintenant ? le comprendre, s’en emparer, dépasser ses propres heuristiques, en apprécier le périmètre, ses limites…

Les deux suggèrent de faire appel à l’intelligence collective en allant chercher des témoignages, des réflexions qui ouvrent le champ des possibles et qui permettent d’aller chercher autre chose que le compromis qu’on avait en tête. On y trouve des idées « justes » pour décider.

Le tout pour quoi ? Pour s’engager sur des actions en ayant mieux compris ses propres modèles.

Alors oui effectivement, vous pouvez voir le codéveloppement professionnel comme l’expérimentation d’un processus d’apprentissage profond de prise de décision dans la lignée des principes de Peter Drucker, mais vous pouvez aussi le voir différemment.

« Le groupe de codéveloppement est une méthode structurée d’apprentissage collaboratif pour des personnes qui croient pouvoir s’améliorer, devenir plus efficaces dans leur pratique et apprendre les uns des autres en s’entraidant dans une démarche réflexive sur l’action initiée par un processus d’enquête et de consultation de chacun d’entre eux. »

Claude Champagne

Le fondement même de cette démarche repose sur l’apprentissage expérientiel.

 

Ce que les dirigeants en disent

Un ancien participant, Xavier D. disait : « Le groupe de codéveloppement est avant toute chose, une rencontre entre pairs pour échanger sur des problématiques que vous ne pouvez partager avec personne. » Un autre disait qu’il avait trouvé un lieu pour déposer des problématiques qu’il ne pouvait aborder ni avec son associé, ni avec sa femme. Un autre nous rapportait cela : « C’est le seul endroit où on peut réellement parler de soi en montrant ses failles tout en étant écouté, sans jugement »

Voilà ce qu’est un groupe de codéveloppement : un lieu d’intimité et de confiance. D’ailleurs, pour avoir animé de nombreux groupes, cela ne fonctionne qu’à cette condition. Avoir le droit de parler de ses doutes, de ses essais, de ses erreurs, sans jugements. D’ailleurs, il est courant que les liens construits pendant les séances perdurent longtemps après. Un membre nous disait pendant la séance de bilan : « On sait que nous pourrons tous nous appeler les uns les autres, car les choses ont été entendues et acceptées. Cela a créé une intimité entre nous »

 

Deux exemples vécus

Florence C est confronté à un conflit entre actionnaires. Elle n’a pas reçu une « solution clef en main », mais le groupe l’a aidé à clarifier ses options et à agir en confiance.

Avons-nous trouvé une solution en séance à Florence ? Non, mais nous lui avons permis de faire le tri, de voir l’espace des possibles sous un œil neuf et à prendre les décisions qui lui semblaient bonnes. Lors de son feedback, elle nous a informés que forte de nos échanges, elle avait pu construire les actions qui lui ont permis de gérer sa situation. Si les participants partagent de nombreuses problématiques communes, ils reconnaissent aussi que la seule vraie réponse ne peut être que personnelle. Concernant les participants du groupe, ils ont pu questionner leur propre relation avec leurs associés, voir les points de vigilance et surtout profiter de ce partage d’expérience.

Prenons le simple cas de votre auteur. Passer du salariat à l’entreprenariat était un réel saut qui me tiraillait. Ma séance en tant que client m’a permis de passer à l’action. J’avais besoin d’entendre d’autres, ce que je pensais de cette situation. Venant des autres, cela n’avait pas la même portée. Je le savais au fond de moi. Combien de fois ais-je reporté cette décision à plus tard en me focalisant sur d’autres priorités secondaires. J’ai su entendre le partage d’expérience de mes pairs et eux, ont pu se rappeler de l’importance de ne pas s’enfermer dans des parasitages qui brouillent la vision.

 

Pour conclure

Dans cet article, nous avons souhaité faire un parallèle entre deux approches et vous présenter la force d’une démarche collaborative qu’est le codéveloppement professionnel.

Le codéveloppement professionnel n’est pas un club de discussion ni un simple outil de résolution de problèmes.

C’est avant tout un espace structuré ou l’on apprend à prendre du recul, à clarifier les situations complexes, confuses ou sensibles. Il aide à voir ses propres angles morts, à gagner en confiance et à être légitime pour parler de ses doutes.

Il permet collectivement de baser les apprentissages sur des expériences réelles et non sur des cas théoriques. Il sert à créer du lien et à donner naissance à une communauté de pratique. Le groupe devient plus intelligent que la sommes des individus et il permet l’apprentissage de la coopération en profondeur.

De quoi avons-nous le plus besoin dans les situations complexes et incertaines où il faut piloter à vue, sinon que de pouvoir partager et apprendre ensemble ?

Le codéveloppement n’est pas une théorie : c’est une pratique pour un monde incertain, ou aucun dirigeant ne peut avancer seul.

 

Jean-Charles Fuerxer

Avec l’aide de Catherine Hoyez




1 Commentaire

François REGIMBEAU (École nationale des ponts et chaussées (ENPC) ingénieur civil, 1987)
Il y a 7 jours
Très riche, et pour avoir participé à un groupe animé par Catherine, je confirme tout ce qui est dit.

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