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Vers le consultant 3.0

21 décembre 2022 La lettre de XMP-Consult
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L’évolution générale du « climat » des affaires peut se résumer par les grandes tendances suivantes :

  • Crise des approvisionnements énergétiques
  • Déstructuration de la logistique globale
  • Urgences écologiques
  • Appétence renforcée des personnes pour le télétravail
  • Poursuite et accélération de la transformation numérique 

Ces tendances se renforçant mutuellement pour certaines.
Dans cette ambiance générale, les chefs d’entreprises doivent s’adapter et revoir ou réinventer leur chaine de valeur. Ils ressentent dès lors le besoin d’expertises extérieures pour y voir plus clair, comprendre leur nouvel environnement et conduire les changements opportuns. 
Comment le consultant indépendant peut-il s’adapter à cette demande et renouveler son offre de valeur ? 
 

Les données sur le marché actuel du conseil en France[1] montrent une progression du nombre d’indépendants et l’émergence d’organisations (plateformes) de soutien ou de regroupement pour faire face à certaines contingences du métier de consultant :

 

  • Plateformes de freelances pour des développements informatiques à la demande ou des prestations spécifiques
  • Plateformes de conseil en ligne pour la sélection de coach ou de manager de projets ou de transition.

Ces plateformes ont pour but de soulager le consultant indépendant des travaux d’intendance et de prospection commerciale pour lui permettre de se concentrer sur son expertise et son perfectionnement.

Le fonctionnement de ces « marketplaces » de consulting est similaire à celui des agences de recrutement : ces dernières aident à trouver les meilleurs employés, tandis que les premières mettent en relation avec certains des meilleurs consultants. Le conseil des meilleurs consultants n’a jamais été aussi accessible.

Mais ces formules sont-elles une réponse pérenne à l’importance de la menace de bouleversements que l’évolution « climatique », évoquée plus haut, autorise à formuler ? une réponse générale, collective, issue des équipes de recherche en management et des entreprises de conseils elles-mêmes est le recours à l’intelligence collective comme levier essentiel pour la transformation durable des organisations.

L’intelligence collective désigne la capacité d’une communauté ou d’un collectif à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun[2]. Elle résulte de la qualité des interactions entre les membres du collectif.

L’intelligence collective suppose le partage de l’information, le respect de règles communes, la multiplication d’interactions et de connexions sociales afin de développer des pratiques collaboratives pour accroître la performance dont les gains seront équitablement répartis entre les différents membres engagés dans la co-construction.

Mobiliser l’intelligence collective est donc aujourd’hui l’une des priorités des entreprises et suscite de ce fait un intérêt accru des chercheurs et des praticiens.

Quelles sont alors les conditions spécifiques et pratiques à développer pour y parvenir ?  
 

Trouver une réponse est alors une opportunité pour les nouveaux consultants. Cette question a déjà fait l’objet de plusieurs études et parmi les résultats obtenus, les recommandations de Cécile Dejoux, professeur au Cnam, me semblent des plus intéressantes :

Cinq règles de fonctionnement, qui s’appliquent dans tous les cas quel que soit le secteur d’activité, la nature du groupe, le type de projets ont été dégagées des multiples expériences réalisées .

Ces 5 règles doivent être discutées et coconstruites avec tous les membres du collectif qui cherche à créer de l’intelligence collective, c’est-à-dire une solution nouvelle à un nouveau problème ou une nouvelle situation.

Ce modèle est le suivant :

 

  • Les rôles : Donner à chacun, un rôle dans l’équipe afin de générer, individuellement, un sentiment d’utilité. Faire en sorte que les individus soient reconnus personnellement dans leur apport au collectif
  • Les règles. Coconstruire des règles de fonctionnement du groupe lors de ses séances de tavail
  • Le respect : reconnaissance mutuelle comme pair et coconstruire des règles qui permettront à chacun de respecter l’autre. 
  • Les routines : pratiques systématiques d’interactions dont tout le monde connait le déroulement et le résultat possible,
  • Les rites : créer un jeu de routines comme par exemple, célébrer les victoires.

Ce modèle a l’avantage de s’appliquer à des équipes transdisciplinaires, dans des modes de travail en présentiel ou à distance et se différencie des pratiques collectives qui ne peuvent être assimilées automatiquement à de la création d’intelligence collective.

La définition et la mise en place des 5 R se font progressivement et pour passer d’une situation initiale de rassemblement des acteurs d’un collectif à un stade de coopération totale et pérenne, plusieurs étapes intermédiaires doivent être envisagées

1.     Être acculturé à un certain nombre d’outils informatiques permettant de mieux communiquer, dessiner, classer, retrouver présenter des données, ordonnancer des séquences d’opérations (workflow) gérer des projets (etc..) en temps réel ou synchrone.

2.    Savoir collaborer c’est-à-dire savoir-faire avec ses pairs (construire un document à plusieurs, s’intégrer dans un workflow d’une des parties prenantes, savoir intégrer ses contributions aux travaux des autres)

3.    Savoir coopérer[3] c’est-à-dire créer avec les autres ; c’est-à-dire faire du nouveau ou faire plus que la somme des compétences des acteurs : c’est à ce niveau que l’on peut parler d’intelligence collective.

Le point important est l’étape première : Les acteurs du collectif doivent apprendre et se former aux outils informatiques pour atteindre les niveaux élevés de maturité concurrentiel. Aujourd’hui plus d’une centaine d’outils collaboratifs existent sur le marché (ce qui est communément désigné par l’expression No-Codes), l’offre est donc plurielle et ce sont les stades successifs de collaboration et coopération qui conduisent à sélectionner les outils compatibles du style de coopération coconstruit par les membres d’un groupe.

A l’image d’équipes sportives de haut niveau la performance - c’est-à-dire le niveau 3 du modèle de maturité précédent - est affaire d’entrainement et de répétition. Le rôle du consultant indépendant est alors de s’entretenir à ce niveau, ce qui l’oblige d’une certaine façon à rechercher en permanence des équipes ou structures où pratiquer le collectif.

Au sein de l’association XMP-Consult le groupe Rebondir[4] a entrepris d’explorer le potentiel de cette forme d’intelligence pour aider un dirigeant[5] à relever le défi de l’élaboration d’une réponse créative à une situation de crise.

Les études sur l’intelligence collective montrent que les conditions nécessaires pour que les acteurs entrent en symbiose sont :

1)    L’utilisation de vocabulaire et de connaissances partagées

2)   Le rôle clé de la construction d’une représentation visuelle commune (partagée) à partie des représentations individuelles

a.     Cette représentation visuelle devient une sorte de mémoire de travail partagée, extension des mémoires de travail de chaque participant.

b.    Cette représentation est dépendante de la richesse du vocabulaire commun disponible, qu’il faut donc aussi pouvoir enrichir (mémoire sémantique)

3)   Les interactions entre les cerveaux de chaque participant se font selon des modèles qui résultent de leur répétition

La modélisation de ces interactions emprunte très largement aux jeux interactifs (game-storming) assez largement diffusés sur le web et avec lesquels il est devenu habituel d’animer des réunions : c’est leur instrumentation informatique visant à générer, le plus rapidement possible, des résultats intermédiaires et des représentations graphiques partagées qui constituent le facteur d’expression et d’amplification de l’intelligence collective du groupe.

D’une certaine façon, ces discussions multi-acteurs présente des analogies avec les réseaux de neurones : chaque pas de « calcul » est un jeu transactionnel entre les acteurs, dont l’efficacité et la pertinence dépend des capacités de chaque acteur à coopérer c’est-à-dire à bien jouer sa partition : adoption d’un rôle dans chaque situation, application de routines de jeu (poser des questions ouvertes, reclasser les opinions, donner des arguments….)[6]

Pour atteindre notre objectif de groupe, nous nous sommes inspirés de cette approche de jeux collaboratifs, pour structurer nos échanges avec tout dirigeant qui en accepte le principe et créer un jeu qu’on pourrait appeler « challenger ses pairs » ; Ce jeu comprend plusieurs séances ou parties, que les outils de visio-conférence[7] d’aujourd’hui rendent facile à déployer et autour duquel d’autres outils informatiques peuvent être mobilisés pour créer des représentations partageables, qui constituent des étapes intermédiaires ou le produit final.

Ce qui importe dans cette démarche globale c’est plus que le dessin final, le cheminement qui y conduit.

Dans le cas de notre travail actuel (challenger ses pairs) L’objet à construire est une carte stratégique qu’on pourrait qualifier de progressive (ou dynamique) car elle permet (à l’image d’un échiquier ou d’un goban) d’imaginer un ou plusieurs coups à jouer en fonction de la situation (application des règles du jeu)

Cet objet est d’une certaine façon « isomorphe » à une carte d’état- major éventuellement simplifiée qui permet de visualiser une situation initiale et une situation objective atteignable via un coup à jouer (action de transformation) respectant les règles du jeu concurrentiel.

Dans notre cas (identification d’une action stratégique par le dirigeant) il faut alors pouvoir construire une représentation de sa situation sur un arrière-plan de représentation du « contexte » (son environnement) et des forces à l’œuvre (règlementation, tendances sociétales et environnementales et influence des concurrents)

Pour cela, les orientations que nous avons choisi de retenir pour réaliser des cartographies stratégiques, sont la modélisation de la chaine de valeur de l’entreprise à l’étude selon

-       un axe de visibilité, par les utilisateurs, des services rendus correspondant à une structuration en couche des services

-       et un axe de » maturité » technologique  des composants de services mobilisés pour réaliser la promesse de l’entrepreneur.

Pour atteindre l’objectif du groupe, nous recherchons des dirigeants devant faire face à des défis stratégiques, pour expérimenter et valider notre démarche. Avec déjà quatre expériences concluantes et deux en préparation nous pensons être en mesure de proposer aux consultants indépendants une voie de différentiation de leurs prestations.


 
[1](voir le site : Le marché du conseil en France en 2021 – Les chiffres du consulting (evolution-perspectives.com))

 
[2] Pierre LÉVY, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières, a théorisé la notion d’intelligence collective dans un ouvrage paru en 1994 (L’intelligence collective : Pour une anthropologie du cyberespace)

 
[3] Collaboration et coopération sont souvent présenter comme quasi synonyme. Pour la compréhension de cet article ; il faut considérer que la collaboration est ce qui est demandé en sous-traitance, alors que la coopération est l’acceptation de remettre en cause sa démarche de réalisation pour s’adapter à celle émergente de la communauté, c’est pourquoi on parle aussi de co-création.

 
[4] Créé dès le début de la COVID, le groupe à découvert les possibilités de la visio-conférence et s’est rapidement interrogé sur la manière d’accompagner un dirigeant touché par les effets de cette crise. 

Le groupe de travail Rebondir se réunissait chaque semaine plusieurs membres d’XMP, 

Les membres du groupe ont très rapidement établi une analogie avec le traitement des urgences en milieu médical et identifié des étapes successives du rétablissement d’un malade depuis le recouvrement d’un état de conscience claire puis d’un état physique durable (au détriment possible d’une amputation ou d’une réparation chirurgicale) . Nous sommes, ensuite, arrivés au point de passage obligé de la mesure des constantes physiologiques (les KPI) comme étape indispensable pour l’établissement d’une prescription valable. Il est alors apparu que c’était de la responsabilité du dirigeant de mettre en place ces outils de mesures qui sont en fait des adaptations d’outils informatiques que des cabinets de consultants spécialisés pouvait rapidement installer. 

Pour passer à une étape ultérieure de réflexion sur l’élaboration d’une stratégie de reconfiguration éventuelle, le DD doit donc avoir connaissance de ses KPi et de leur évolution possible dans l’environnement compétitif dans lequel il évolue. 
 

 
[6] Le livre de Dave Gray Jouer pour Innover (traduction de game-storming) en donne de nombreux exemples opérationnels.
[7] Zoom ou Teams, par exemple.

 




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