Les performances de ChatGPT ont à juste titre beaucoup impressionné tous ceux qui l’ont essayé. L’étendue des applications possibles, et les changements qu’occasionnera l’utilisation généralisée des robots conversationnels reposant sur l’intelligence artificielle (ChatGPT, ses concurrents, et quelques autres applications s’attachant davantage au traitement de l’image) donne quelque peu le vertige, et, à certains, des sueurs froides. Que va-t-il advenir de nos emplois ?
Certes, l'arrivée de nouvelles technologies a toujours suscité des craintes dans le public, bien souvent irrationnelles. Un journal de médecine s’indignait ainsi en 1925 du développement des recherches sur la transfusion sanguine, estimant que «transfuser le sang d’un autre dans les veines d’un patient provoque à court terme la mort ou au moins la folie » et une société scientifique française estimait en 1927 que « Monsieur Charles Lindbergh vient de réussir, il est vrai, un exploit peu banal, mais jamais les compagnies d'aviation ne seront assez folles pour confier la vie d'un équipage, voire celle de passagers, sur des distances aussi grandes, à ces machines si peu confortables et si peu sûres. » Un siècle plus tôt, l’Académie des Arts et des Sciences avait déjà proposé d’interdire d’urgence en France la locomotive de Stephenson « un monstre redoutable, une folie criminelle. » Et la liste de ce type de déclarations pourrait être allongée ad libitum…
Nous voici de nouveau confrontés à l’arrivée d’une nouvelle technologie que tous s’accordent à trouver révolutionnaire. Faut-il pour autant la craindre, particulièrement si l’on subodore un risque de concurrence avec nos métiers ? Ou bien, éclairés par les exemples du passé, faut-il s’y lancer tête baissée, puisque le progrès ne recule jamais ? (On se souvient de la vaine révolte des luddites, ces artisans du textile britanniques qui avaient tenté, dans les années 1811-1812, de stopper le développement de la mécanisation en détruisant les nouvelles machines.)
Les questions liées à l’IA sont complexes et la vérité pourrait bien être toute en nuance. Pour s’en approcher, il faut comprendre quelles sont les perspectives ouvertes par l’IA et quelles en seront les évolutions probables dans les prochaines années. C’est ce que nous avons essayé de faire dans ce numéro de la Lettre de XMP-Consult, avec les approches complémentaires apportées par plusieurs membres et sympathisants de notre association.
Philippe Auroy nous décrit ainsi l’importance de l’atout que représente le recours à l’IA dans le domaine de la recherche scientifique, et Tru Do-Khac nous commente comment ChatGPT appréhende un problème, ici de mathématique. Par le biais d’un récit prospectif, Guillaume O’Lanyer illustre aussi la fiabilisation importante que l’IA peut apporter à une entreprise logistique de pointe. Puis, au-delà de l’amélioration des services que permet l’IA, Claudie Boudet explore les émotions variées que cela suscite en nous.
Place ensuite aux experts : Philippe Coution nous éclaire d’abord sur l’ensemble du tsunami législatif et réglementaire qui approche, et il nous fournit quelques conseils de survie. Arnaud Ioualalen et Baptiste Aelbrecht, de Numalis
[1], apportent quant à eux leur éclairage professionnel sur les moyens de construire la nécessaire confiance que requiert le déploiement de l’IA dans de nombreux domaines où son apport peut être très positif.
Nous terminons par une prise de recul : Antoine Herlin nous livre une réflexion prospective sous forme de 4 scénarios possibles, Antoine Jaulmes tire la sonnette d’alarme : il faut anticiper au maximum les transformations sociales induites par l’IA, et Damien Ribon identifie dans la mise en œuvre de la RSE une piste pour permettre une saine utilisation de l’IA et pour faciliter son acceptation de dans les entreprises.
A l’issue de la lecture de ces différentes contributions, nous pouvons en tous cas rester assurés qu’il y aura toujours besoin d’intelligence humaine, pour exploiter les résultats de l’intelligence artificielle et peut-être pour en atténuer certaines conséquences. Espérons en tous cas qu’étant mieux informés, nos lecteurs pourront tirer le meilleur parti des opportunités de l’IA.
Antoine Jaulmes et Damien Ribon
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[1] Nous remercions pour cette contribution Numalis et son PDG Arnaud Ioualalen, qui sont, comme XMP-Consult, membres de l’AFNeT, réseau d’acteurs expérimentés et reconnus du numérique qui se mettent au service des filières industrielles pour favoriser leur coopération et la normalisation.