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La gestion de configuration, clé de la continuité numérique dans l'industrie automobile ?

09 juillet 2019 La lettre de XMP-Consult
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Les produits industriels complexes comme l’automobile sont en pleine transformation, le basculement du monde de la mécanique vers celui du logiciel se fait à marche rapide. 

Le digital est entré dans le monde du produit depuis une dizaine d’années, les outils de recueil des données du produit (PDM) et de gestion du cycle de vie produit (PLM) sont devenus le quotidien des mécaniciens. La CAO et maquette numérique en ont été les premiers apports tangibles, le reste a suivi afin de déployer la continuité numérique du cycle de vie du produit, véritable graal de l’accès à l’industrie 4.0.

Une seconde révolution est en train de se produire avec la fin annoncée des moteurs thermiques, le développement de l’électrique, des assistances à la conduite, des services connectés et du véhicule autonome. Ces évolutions se traduisent par la montée en puissance des logiciels embarqués. Ces derniers se sont répandus dans les véhicules que nous utilisons. Nous en avons beaucoup entendu parler lors des scandales du « Diesel Gate » avec les logiciels trafiqués pour « l’optimisation » des rejets de CO2 lors des essais. Les aides à la conduites longitudinales et latérales ainsi que toutes les réglementations européennes (Euro NCAP, AEB-VRU, LKA) viennent encore renforcer ce besoin. 

Cette dynamique a des impacts très concrets sur le contenu des véhicules et les paramètres nécessaires à la configuration de ces logiciels. A titre d’exemple, ces cinq dernières années, le nombre de paramètres au fonctionnement et réglage a été multiplié par cinq et a dépassé le chiffre incroyable de dix mille. 

Mais comment gérer cette complexité ?

Le périmètre des technologies utilisées dans un véhicule est de plus en plus vaste, ce qui nécessite des savoirs faire à toutes les étapes de la conception du véhicule et dans son cycle de vie car les véhiculent évoluent après leur sortie d’usine. De nouveaux risques apparaissent liés à la connectivité des produits et avec eux, les réponses associées, on pense notamment à la cyber sécurité.

D’autre part, une des caractéristiques de cette industrie est la gestion de la diversité des produits commercialisés, c’est ce qui en fait sa spécificité si on pense aux autres secteurs industriels avec des produits complexes comme les avions. C’est le nombre de variantes possibles d’un produit qui rend la gestion du cycle de vie si complexe. Dès lors, la difficulté de l’architecte est de suivre et gérer les évolutions de tous ces composants, de plus en plus virtuels, tout en maintenant la viabilité économique du produit développé et le fonctionnement cohérent de cet ensemble.

De fait, l’ingénierie a une tâche immense, celle de coordonner les organisations qui composent le produit fini, on pense aux « mécaniciens » qui assemblent les pièces organiques via la maquette numérique, aux « systémiers » qui décomposent le véhicule en systèmes fonctionnels répondant à des exigences du client, à l’ingénierie logicielle qui développe les logiciels embarqués dans des calculateurs eux-mêmes gérés dans une architecture électrique et électronique avec ses propres ruptures technologiques.

La mise en cohérence de ces éléments, systèmes et logiciels est une véritable gageure pour suivre les vagues des évolutions technologiques, de plus en plus courtes. Cela passe par la mise en place d’architectures qui doivent permettre à tous ces éléments de coexister avec chacun leur propre cycle de vie.

La gestion de configuration, clé de la continuité numérique ?

La gestion de configuration dans l’industrie est la mise en œuvre de concepts issus du monde du logiciel et adaptés à l’industrie par toute une série de textes, dont la norme ISO 10007 pour leurs définitions, la norme 26262 pour la sécurité des logiciels embarqués, les normes de l’industrie automobile (A spice).

La gestion de configuration décline ces normes au produit automobile. Il faut retenir cinq concepts, l’identification qui recouvre la structuration du produit et des éléments qui le composent, l’enregistrement des états de configuration est un figeage d’une structure produit à un jalon ou étape donné, la gestion du changement est la capacité d'identifier et de traiter les demandes d'évolution sur les éléments de la structure Produit (physiques et virtuels) et le suivi de la conformité qui permet de tracer la mise en œuvre des exigences produits et systèmes.

La mise en œuvre de ces concepts dans les organisations passe par une révolution intellectuelle, car c’est bien un nouveau paradigme qu’il faut déployer, ce qui vient remettre en cause les démarches classiques de fonctionnement dans l’entreprise.

Historiquement, chaque discipline définissait ses méthodes et outils dans son organisation. A titre d’exemple, la logique a été de bâtir à partir des bases issues de la mécanique, d’étendre les outils du PLM aux systèmes et logiciels. La principale difficulté est survenue quand il s’est agi de faire coïncider les besoins des systèmes et logiciels dans des structures définies pour les contraintes de la mécanique… les ingénieries système et logicielle ont alors dû trouver leurs propres moyens de répondre aux enjeux, au risque de constituer des silos rendant plus complexe l’accostage au monde physique.

Ce nouveau paradigme passe par la fédération des données structurantes du produit dans une couche d’architecture ad hoc. Cela ouvre de facto un nouveau monde d’opportunités pour définir le contenu, les outils, les process, les acteurs qui vont maintenir cet ensemble : un métier de la gestion de configuration est en train de naître dans les organisations. Les enjeux sont colossaux car le décloisonnement et la continuité numérique rendus possibles entre les métiers laissent apparaître des gains significatifs au sein de l’ingénierie Produit des grands constructeurs automobiles. »

Eric Coursin
eric.coursin@tournelle.com
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Consulter les autres articles parus dans la Lettre XMP-CONSULT n°4 (juillet 2019)

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